Valazé/Lyautey (quartier)

Au début de la IIIe République (1870-1940), il y avait longtemps que la municipalité d'Alençon réclamait une garnison de cavalerie mais, curieusement, le Gouvernement s'obstinait à refuser les régiments montés aux contrées d'élevage où ils trouvaient cependant les fourrages et les grains nécessaires.

Le 13 novembre 1871, le conseil municipal d'Alençon émet le vœu d'obtenir un régiment de cavalerie et une commission est chargée de l'affaire le 27 janvier 1872. Les casernes disponibles étant insuffisantes, il est décidé, le 3 avril suivant, d'en construire une nouvelle entre les rues de la Demi-Lune et du Puits-au-Verrier, sur les terrains d'une ancienne ferme de cinq hectares appartenant au Département, et d'offrir une subvention de 250 000 francs. Mais la répartition des troupes sur le territoire du 4e corps d'armée prévoit un régiment d'infanterie et un bataillon de chasseurs à pied, non un régiment de cavalerie. Le conseil, déçu, décide néanmoins, le 19 décembre 1873, de maintenir sa subvention.

Les 11 et 18 février 1874, il est accordé à Alençon le dépôt du 115e régiment de ligne, un bataillon de ce même régiment et un du 17e régiment de chasseurs à pied, ce qui représente environ 1 500 hommes. La subvention municipale est réduite à 125 000 francs le 24 avril, mais une somme de 50 000 francs est votée pour subvenir aux travaux destinés à loger le bataillon de chasseurs à pied. Le 27 mai, le conseil général décide de céder ses terrains au ministère de la Guerre. Cette décision, ratifiée le 29 octobre, ne sera approuvée par le ministère que le 11 mai 1878 et complétée par un article du 30 novembre. De son côté, le conseil municipal s'engage, lors de sa séance du 8 juin 1874, à avancer au Gouvernement le surplus de la dépense totale, évaluée à 510 000 francs, c'est-à-dire 385 000 francs. La propriété de la caserne appartiendra en totalité à l'État qui en aura l'entretien à sa charge. Le ministère de la Guerre donnera autant que possible satisfaction au désir exprimé par la Ville en ce qui concerne l'organisation de la caserne afin qu'elle puisse, le cas échéant, être utilisée pour un quartier de cavalerie. Enfin, l'acquisition de deux parcelles de terrain contiguës, encore nécessaires, est décrétée le 23 juillet. Ces dispositions mettent un terme aux discussions, projets et contre-projets qui avaient duré plus de quinze ans.

À l'époque de l'achèvement de la construction de la caserne du boulevard de Strasbourg, en 1878, celle-ci dont la superficie totale est de 7 hectares, 10 ares et 38 centiares pour une surface bâtie de 1 hectare, 55 ares et 9 centiares, est considérée comme l'une des plus belles de France. Plusieurs autres bâtiments seront construits de 1889 à 1893, à l'occasion de la transformation de la caserne en quartier de cavalerie, et un dernier en 1910. Signalons qu'auparavant, la troupe à cheval n'était pas casernée, mais cantonnée dans des quartiers désignés des villes de garnison, d'où l'expression "quartier de cavalerie" pour définir les bâtiments affectés à cette arme.

Le 17e bataillon de chasseurs à pied inaugure la caserne le 9 octobre 1874 en s'installant dans une douzaine de baraquements provisoires ; il y restera jusqu'en 1877. Y prennent place également le dépôt du 115e régiment de ligne et un de ses bataillons. Suite à sa transformation, en 1889, en quartier de cavalerie, la caserne prend le nom du général Éléonor Valazé, fils du conventionnel girondin. Succédant à l'infanterie, le 29e régiment de dragons occupe les lieux de 1890 à 1892, relayé par le 14e régiment de hussards de 1893 jusqu'au 4 août 1914. Ce dernier laissera une grande partie de son effectif en Belgique sur le champ de bataille d'Ethe, le 22 août suivant, dont le colonel de Hauteclocque, oncle du général Leclerc, et son fils aîné. Très populaire dans notre ville, le 14e régiment de hussards fut commandé par le colonel Hubert Lyautey de janvier à septembre 1903. Le 27 août 1922, une plaque en hommage aux hussards sera inaugurée dans l'enceinte du quartier.

Notons, vers la fin de la Première Guerre mondiale, la naissance d'un régiment de chevau-légers polonais, formé avec des Polonais venus d'Amérique ou retirés des camps de prisonniers allemands. Après le 14e régiment de hussards, c'est le 1er régiment de chasseurs qui a laissé à Alençon le plus grand souvenir puisqu'il y resta de 1919 à 1939. Pendant l'Occupation, les locaux sont utilisés comme dépôt de matériel sanitaire. Le 501e régiment de chars de combat, entré dans notre cité le 12 août 1944 avec la deuxième division blindée, y stationne à compter de 1945. Il est remplacé en 1948 par le 13e régiment de dragons, dissous le 31 décembre, puis par le 3e régiment de hussards de 1949 à 1960. Signalons que dans les années cinquante, des kermesses militaires avaient fréquemment lieu au quartier.

Le 8 août 1951, le patronyme de Lyautey est substitué à celui de Valazé.

Le 3e régiment de hussards fait place à un centre militaire de formation professionnelle jusqu'en 1969 et, la même année, le quartier est dévolu au centre mobilisateur n° 35. La dissolution de celui-ci, le 30 septembre 1991, met un terme à la présence militaire à Alençon.

En 1985, certains bâtiments n'étant plus utilisés, l'armée envisage de les céder et le conseil général vote le principe de leur acquisition le 29 octobre. Il faut cependant attendre le 8 juin 1990, pour que le ministère de la Défense vende le quartier Lyautey au Département qui le fait restaurer de 1998 à 2000 afin d'y implanter les services du conseil général dispersés sur quatorze sites. Le monument aux Morts est transféré à la délégation militaire départementale rue de la Demi-Lune et plusieurs bâtisses sont rasées ; la cour d'honneur, dénommée espace Normandie-Maine, est pavée avec un "O" dessiné au milieu pour rappeler le département de l'Orne. Les trois bâtiments qui encadrent cette dernière, restaurés et adaptés, ont reçu des patronymes illustres : celui de gauche porte le nom de Leclerc, libérateur de la cité alençonnaise le 12 août 1944 ; l'édifice central, celui de Lyautey qui, après avoir quitté Alençon créa le protectorat français du Maroc ; l'immeuble de droite, celui du général Leveneur, premier président du conseil général de 1800 à 1808 et député de 1808 à 1815. Les allées portent également des noms de personnages célèbres : Jean Mantelet, fondateur de Moulinex ; Marthe La Perrière, créatrice du Point d'Alençon ; etc. Enfin, les murs qui clôturaient le quartier sont remplacés par des grilles. Les services du conseil général, qui se sont installés dans ces locaux de mars 1999 à octobre 2000, emploient aujourd'hui trois cents personnes environ.

 

Extrait de Alençon de A à Z (Alain Champion, Éditions Alan Sutton, 2008).