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Après avoir échappé aux Allemands en mai 1940, le capitaine Philippe de Hauteclocque se met à la disposition du général de Gaulle, le 25 juillet, sous le nom de Leclerc. Le général l'envoie au Cameroun avec le grade de commandant et où il est nommé gouverneur le 27 août 1940, afin de rallier ce pays à la France libre. Après s'être emparé de Libreville (Gabon) le 10 novembre, le commandant Leclerc est promu colonel le 2 décembre et nommé à la direction militaire du Tchad, la seule colonie française ayant une frontière commune avec l'ennemi. De Fort-Lamy, le colonel Leclerc se dirige vers la Libye et prend Koufra aux Italiens le 1er mars 1941. Le lendemain, il prononce une courte allocution se terminant ainsi : "Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg".

Nommé général de brigade le 10 avril 1942, il prend à Brazzaville (Congo), en juin, le commandement des forces de l'Afrique française libre. Le 22 septembre, le général de Gaulle prescrit de s'emparer du Fezzan et la colonne Leclerc entre à Tripoli le 26 janvier 1943. À compter de cette date, cette unité portera le nom de Force L. Le 29 mars, elle entre dans Gabès (Tunisie). La campagne du Fezzan terminée, le général Leclerc rencontre de Gaulle à Alger. Celui-ci, en juin, donne l'ordre à la Force L, qui prend alors le nom de 2e division française libre, de gagner Sabratha (Tripolitaine) pour prendre du repos.

À la fin du mois d'août, le général Leclerc se rend Témara (Maroc), près de Rabat. Suite à une décision du général de Gaulle, il y organise, jusqu'en avril 1944, la 2e division blindée, issue de la Force L et de la 2e division française libre. Du matériel qui a traversé l'Afrique, il ne reste plus grand-chose. Alors, les Américains rééquipent un ensemble hétéroclite d'hommes venus de tous les horizons - unités du Tchad, de Libye, de l'Armée d'Afrique, de la Marine, d'engagés, d'évadés, etc., animés du même but : reprendre la lutte et libérer le territoire national - qui deviendra une prestigieuse division. Celle-ci reçoit 400 chars, 650 camions, 2 000 mitrailleuses et 4 000 voitures. Le 7 avril 1944, elle est inspectée par le général de Gaulle puis, le 10, ses 12 000 hommes embarquent pour l'Angleterre où la division est intégrée au sein de la IIIe armée américaine du général Patton. Avant de quitter le Maroc, le général Leclerc a l'idée de l'insigne représentant la carte de France portant la croix de Lorraine pour distinguer la 2e D.B. des autres unités.

Le 6 juin 1944, c'est le Débarquement ; mais ce n'est que le 20 juillet que la 2e D.B. quitte ses lieux de stationnement du secteur de Hull (Yorkshire), où elle s'est entraînée, pour rejoindre la région de Southampton. Le 29 juillet, forte de 18 000 hommes, elle quitte les ports anglais pour la Normandie où elle accoste le 1er août à Saint-Martin-de-Varreville (Utah-Beach), près de Carentan. Passant par le sud d'Avranches, de Mayenne et de Laval, elle se regroupe à l'ouest du Mans, prête à la bataille de Normandie. Elle est la seule unité française a être engagée dans ce combat. Sa mission est d'attaquer en direction d'Alençon et d'Écouché, à la rencontre des troupes britanniques descendant du nord vers Falaise et Argentan, afin de constituer une tenaille devant se refermer sur les restes des Ve et VIIe armées blindées allemandes et leur couper la retraite vers Paris.

Arrivant le 10 août au soir à proximité de Colombiers, la 2e D.B. prend Champfleur le lendemain où le général installe son camp pour la nuit. Une patrouille, guidée par le jeune Raymond Ciroux, est envoyée à Alençon en reconnaissance afin de savoir si le pont Neuf n'est pas miné. Il ne l'est pas. Le 12 août 1944, à 3 h 30 du matin, le général Leclerc prend possession du pont situé au cœur d'une ville conquise sans un coup de feu, ayant trouvé, par chance, l'intervalle entre le départ et la relève des troupes ennemies.


La 2e D.B. traverse Alençon. Dès qu'un arrêt se produit dans le convoi, les Alençonnais grimpent avec enthousiasme sur les véhicules et donnent des poignées de mains aux soldats que les jeunes filles embrassent.	Le maire, Charles Chesneaux, au premier étage d'un magasin de la Grande-Rue (ci-dessus), salue les libérateurs. (Extrait de Mémoire en images Alençon d'Alain Champion et d'Yves Le Noach, Éditions Alan Sutton, 1995).

Le char Valois, touché le 13 août 1944 à Tanville, repose à la Croix-Médavy dans la forêt d'Écouves (photo Moitet)

Après la libération d'Alençon, la division s'empare d'Argentan le 18 août et participe le lendemain à la fermeture de la poche de Falaise. La bataille de Normandie est terminée. Le 15 août précédent, le général Leclerc avait rappelé à l'état-major américain que sa division entendait avoir l'honneur de marcher sur Paris. Le 21, inquiet et impatient, en toute indiscipline, sans consulter sa hiérarchie américaine et "en violation des ordres donnés", il envoie une patrouille vers la capitale. Pour le général, cette désobéissance flagrante n'a pas besoin d'être justifiée. Désapprouvé par le commandement américain, il reçoit néanmoins, le 22 au soir, l'ordre de faire immédiatement mouvement sur Paris déjà insurgée. Le 23 au matin, la 2e D.B. y fonce par Sées, Mortagne, Maintenon et Rambouillet, où le général rédige l'ordre de reconquérir la capitale. Le 24, sous une pluie battante, il lance ses troupes à l'assaut de la banlieue sud et culbute les défenses allemandes. À 20 h 45, un détachement atteint la porte d'Italie puis l'hôtel de ville à 23 h. Le lendemain, sous un soleil radieux, ses chars martèlent le pavé parisien et, le soir même, Leclerc reçoit la capitulationdu général Von Choltiz

Après avoir nettoyé la banlieue nord de Paris du 27 au 30 août, la division est autorisée à se reposer. Stationnée aux Invalides, dans la plaine Saint-Denis et au bois de Boulogne, les Parisiens, en foule, viennent la voir. Les soldats remettent le matériel en état et prennent quelques moments de répit et de plaisirs biens mérités.

Le 8 septembre, la division reprend sa marche vers l'est et se regroupe dans la région de Bar-sur-Aube. Le 12, elle prend Vittel, s'empare de Baccarat le 31 octobre, de Saverne le 22 novembre et libère Strasbourg le lendemain. Le 28 décembre et le 10 janvier 1945, le général de Gaulle cite la 2e D.B. à l'ordre de l'Armée. Mais de décembre 1944 à février 1945, après les heures exaltantes de Paris et de Strasbourg, la division connaît des heures sombres. Les combats sont sanglants et les pertes énormes. Épuisée, elle quitte l'Alsace en mars pour aller se reposer dans l'Indre. Toutefois, quelques éléments iront aider à réduire la poche de Royan, du 15 au 17 avril, contre l'avis du général Leclerc qui estime que là n'est pas sa mission.

De retour dans l'est le 22 avril, la 2e D.B., contrairement aux ordres du commandement américain, fonce sur Berchtesgaden, le nid d'aigle d'Hitler, qu'elle atteint le 5 mai, où le général Leclerc accueille, goguenard et ravi, les Américains furieux. Après la capitulation de l'Allemagne, le 7 mai, la division est regroupée sur les bords du lac Ammersee, où le général de Gaulle vient la passer en revue et regagne la France le 24 mai.

Le 18 juin, lors de la commémoration de l'appel de 1940, la 2e D.B., son chef en tête, ouvre sur les Champs-Élysées un défilé solennel des forces motorisées françaises.

C'est le 21 juin 1945, à Fontainebleau, que se déroule la prise d'armes au cours de laquelle le général Leclerc quitte le commandement de sa division - qui reçoit la plus haute distinction américaine, la Presidential Unit Citation - pour le transmettre au colonel Louis Dio. Lorsque dans un silence poignant, après avoir salué ses 1 687 tués, il se tourne pour lui dire un dernier adieu, son émotion est visible. Sa voix, plus lentement, plus gravement que d'habitude, résonne, rauque, sourde, inoubliable : "Quand vous sentirez votre énergie fléchir, rappelez-vous Koufra, Alençon, Paris, Strasbourg".

Pour rendre hommage à la 2e D.B., qui sera dissoute le 30 avril 1946, le conseil municipal, le 16 juin 1945, donne le nom de "Division-Leclerc" à la place de l'Église-de-Montsort - et non place de la Deuxième-Division-Blindée comme on le croit communément. Un monument en l'honneur du général Leclerc et de la 2e D.B. porte, inscrites dans la pierre, les dates les plus importantes de celle-ci.