Clemenceau (cours)

Reliant les rues Jullien et Cazault, la rue du Cours, ou le Cours, fut aménagée le long des anciens fossés de la ville, entre les portes de Lancrel et de Sées, en 1679. Les ossements des protestants qui étaient inhumés dans le jardin de l'hôtel Fromont de La Besnardière (préfecture) furent jetés dans les fossés sur l'ordre d'Élisabeth d'Orléans, duchesse d'Alençon de 1667 à 1696. Éphémèrement appelée rue Dauphine en 1827, suite à la pose de la première pierre de la halle aux toiles le 7 septembre, par Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI, elle est dénommée de son nom actuel par la délibération du conseil municipal du 1er mars 1919. Mais cette dénomination est refusée par le Conseil des ministres, Georges Clemenceau étant encore vivant. Le conseil prendra une nouvelle délibération le 28 mars 1930 après la mort de l'homme politique.

Un cours est une voie généralement très large et plantée d'arbres, par définition réservée à la flânerie et au délassement. En 1692, le cours est planté d'ormeaux, puis de tilleuls, et en 1764 une "Promenade" y est aménagée. Aujourd'hui, le cours Clemenceau est planté de Prunus.

De 1775 à 1823, la foire aux chevaux, dite de la Chandeleur, se tenait au début du mois de février dans cette voie ainsi que sur la place Poulet-Malassis et dans la rue Saint-Blaise jusqu'à celle des Marcheries. Elle a été transférée au Champ-de-Foire en 1824.

Le 17 août 1844, une ordonnance de Louis-Philippe arrête que la route royale n° 12 de Paris à Brest ne passera plus par la rue du Bercail, d'un parcours incommode et dangereux, mais par la rue du Cours et la rue Jullien.

Le 10 janvier 1826, le conseil municipal décide la construction d'une nouvelle halle aux toiles. L'adjudication des travaux est faite le 5 juillet 1827 sur la base du devis établi par l'architecte Pierre Delarue et, le 7 septembre suivant, Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI, pose la première pierre. Vers 16 h 30, sous une tente disposée à l'angle sud-est du bâtiment, l'architecte tend à la princesse le plomb et met le niveau sur la pierre pour s'assurer qu'elle est correctement posée. M. le maire remet alors à Marie-Thérèse deux grandes médailles en argent frappées à l'occasion de cet événement, "l'une à la tête de Sa Majesté Charles X et l'autre à celle de S.A.R. Madame la Dauphine" avec la citation suivante : "Le 7 septembre 1827, S.A.R. Madame la Dauphine pose la première pierre de la halle aux toiles d'Alençon. M. Séguier, Préfet ; M. Le Comte de Chambray, Maire". Ce dernier présente également à la duchesse une collection de monnaies de 1827 et une plaque de cuivre sur laquelle est gravé : "L'an 1827 Le Troisième du Règne de S.M. Charles X, Roi de France et de Navarre, Le 7 Septembre La première pierre de la halle aux Toiles d'Alençon, a été posée Par S.A.R. Madame la Dauphine Marie-Thérèse-Charlotte de France, fille de Louis XVI". Suivent les noms du préfet, du maire, des membres du conseil municipal, de l'architecte et des entrepreneurs. La fille de Louis XVI dépose le tout dans une boîte de plomb placée dans une cavité. Avec une truelle d'argent, la princesse étend un peu de mortier aux quatre coins de la pierre qui est ensuite recouverte par les maçons d'une autre pierre que la dauphine frappe de quelques coups avec un marteau d'argent à manche d'ébène. Pendant que les ouvriers, vêtus de vestes ornées de deux rubans bleus à une boutonnière, de culottes et de bonnets blancs, achèvent le travail, le procès-verbal de l'opération est lu à haute voix et signé par Marie-Thérèse à qui la Ville offre des pendants d'oreilles, un bracelet, un collier et une broche en or, ornés de diamants d'Alençon.

La halle sera modifiée en 1828 pour aménager un étage destiné aux justices de paix et mise en service le 5 janvier 1832. Ses abords se transformant en bourbier les jours de pluie, un mur de soutènement entourant le terre-plein est construit et vingt-deux bornes de pierre surmontées de pommes en fer traversées de barres également en fer y sont fixées. Cet entourage est encore visible aujourd'hui excepté deux bornes qui ont disparu. En 1837, on s'aperçoit que la construction fut effectuée avec peu de soin. La partie centrale du bâtiment menace ruine et il faut élever huit grosses colonnes qui encombreront le grand vestibule. De nombreux travaux de consolidation auront lieu tout au long du siècle. Plusieurs années après l'ouverture de la halle, victime du progrès et de la concurrence, le commerce de la toile décline et ce n'est que grâce aux commandes de l'État, jusque vers 1840, que l'activité toilière est maintenue. À partir de 1850 la situation s'aggrave, puis un redressement survient, suivi d'un essor considérable atteignant son apogée en 1860. À cette époque, Alençon passe pour être l'un des premiers centres de fabrication de toiles en France. Mais la décadence s'amorce. De grosses difficultés apparaissent en 1870 et un déclin brutal se produit en quelques années. La halle est désaffectée en 1880 et l'industrie toilière alençonnaise disparaît lorsque le dernier fabricant prend sa retraite en 1910. Le 23 février 1865, le conseil municipal, constatant la baisse du négoce des toiles, avait décidé d'aménager l'aile est du bâtiment en salle de conférence. En 1904, la liste républicaine du progrès envisage sa conversion en hôtel des postes. Le projet d'aménagement de la halle aux toiles en salle des fêtes est approuvé le 21 juin 1907. Rénovée en 1938, entièrement refaite et agrandie en 1956, elle remplit différentes fonctions : salle de bal, cantine municipale, cinéma, et accueille concerts, conférences, expositions, théâtre. Reprenant son nom originel le 5 novembre 1991, elle est restaurée en 1993-1994 et équipée d'un matériel audiovisuel afin de l'utiliser comme salle de congrès.

Davantage quartier résidentiel que commerçant, le cours Clemenceau offre de belles façades architecturales allant du XVIIIe siècle aux premières années du XXe siècle. Les immeubles construits par les marchands de toile, de la Monarchie de Juillet au Second Empire (1830-1870) après l'édification de la halle aux toiles, témoignent du passé industriel de notre cité. Celui portant les n°s 1-3-5, construit en 1863 par l'architecte Charles Arnoul, fut le siège du centre d'informations et de renseignements pendant l'Occupation ; les n°s 11-13, bâtis en 1912, possèdent une coupole en zinc, une lucarne, un balcon et une console ; l'hôtel Loutreuil, au n° 17, dû à la générosité d'Auguste Loutreuil, au n° 17, élevé par l'architecte Albert Mezen vers 1915 et inauguré le 29 mai 1921, a été le siège de la Société d'agriculture de l'Orne, puis de la Feldpost pendant l'Occupation, avant d'être utilisé par le Crédit agricole. Il est intéressant de signaler que le premier théâtre connu d'Alençon fut édifié en 1520 à l'emplacement occupé aujourd'hui par les maisons situées entre la Grande-Rue et la rue de la Halle-aux-Toiles. Le n° 30, élevé en 1848, se remarque par ses portes, ses balcons, ses consoles et ses frontons ; le 36 à été construit en 1864 ; le 37 présente de beaux balcons ; le 38 offre de jolies fenêtres ; le 45 se signale par sa frise sous corniche ; le 46 a été bâti par Albert Mezen ; les 56-58 se distinguent par le décor de feuillages, de volutes au-dessus du linteau des fenêtres du premier étage et la corniche ; et les n°s 75-77 par la corniche moulurée, les balcons en pierre, les encadrements des baies et les frontons.

 

Bibliographie : Philippe Erlanger, Clemenceau, Éditions Perrin, 1979.

Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).