Chandeleur (fête de la)

La fête de la Chandeleur est peut-être la plus ancienne des fêtes religieuses. Il s'agit, à l'origine, de la fête païenne en l'honneur de Cérès, déesse romaine des moissons, cherchant à la lueur des torches et des flambeaux, sa fille enlevée par Pluton, dieu de l'Ombre et des Enfers.

Pendant la christianisation, à partir du IVe siècle, le clergé, ne pouvant faire disparaître les fêtes païennes de la mémoire du peuple, les a recouvertes par des fêtes chrétiennes, les récupérant en les parant de nouvelles couleurs afin d'effacer leur souvenir. C'est le pape Gélase Ier (492-496) qui a remplacé la fête de Cérès par celle de la présentation de Jésus au Temple par la Vierge Marie pour la cérémonie de purification, prescrite par la loi de Moïse. En effet, une mère ayant mis au monde un enfant mâle était tenue pour impure pendant quarante jours, et quatre-vingts jours si l'enfant était une fille. Le rituel consistait à présenter l'enfant et offrir en holocauste un agneau ou un pigeon, selon sa fortune. L'Église crut bon de commémorer cette fête juive, contraire à l'enseignement de Jésus, pour faire oublier la fête païenne de Cérès très populaire, transformant la torche de cette dernière en flambeau du Christ éclairant le monde nouveau.

Cette fête, qui a lieu le 2 février, tire son nom des chandelles que l'on allumait dans les églises pour évoquer le fils de la Vierge Marie, lumière de l'humanité. Ces chandelles étaient bénites et distribuées au clergé et aux fidèles qui défilaient ensuite en ville. Ces processions religieuses, suivies de jongleurs, de chanteurs, d'arracheurs de dents, de montreurs d'ours, etc., ont attiré les colporteurs qui venaient tout naturellement étaler et offrir leurs produits là où un plus grand afflux de gens leur promettait un débit plus assuré. La foire commerciale était née au milieu des cris des marchands, du tapage des charlatans et des bateleurs. La foire, obtenue par une charte royale, était un bienfait en des temps troublés où les moyens de communication étaient difficiles. Elles favorisaient les transactions commerciales et elles étaient lucratives pour le seigneur et les cités qui en avaient le privilège.

Au Moyen Âge, Alençon possédait déjà deux foires, celle du Grand-Lundi qui se déroulait en mars le deuxième lundi de Carême, attestée en 1171, et celle de Saint-Matthieu, le 21 septembre, créée par le comte d'Alençon Robert III (1191/1219). Au XVIIe siècle, le roi Louis XIII (1610/1643) y ajoute celle de la Chandeleur, supprimée pendant la Révolution et rétablie en 1803. Celle-ci, se déroulant sur deux ou trois jours, au début du mois de février, à laquelle se greffèrent plusieurs manifestations, était la première de l'année et la plus importante de tout l'ouest de la France, surtout pour le commerce des chevaux qui était considérable. Durant plusieurs jours, ce n'était, à travers la ville, que défilés ininterrompus de chevaux.

La foire aux chevaux durait cinq à six jours au XVIIIe siècle. Le 11 juillet 1775, il est décidé que les différentes foires, notamment celle des chevaux, se tiendraient sur le Cours et sa place (cours Clemenceau et place Poulet-Malassis). Progressivement, elle s'étendit dans les rues Saint-Blaise et Cazault. Avant la Révolution, la foire durait huit jours avant de décliner. En conséquence, il est décidé, le 11 février 1791, qu'elle ne durera plus que deux jours. La prospérité revient après la Révolution et un arrêté municipal du 15 décembre 1823 la transfère au champ de foire, dont l'aménagement fut achevé l'année précédente, où elle subsistera jusqu'en 1960, puis déplacée place du Champ-du-Roy, avec la foire aux bestiaux, de 1961 à 1965, place de la Halle-au-Blé en 1966-1967, et enfin place Marguerite-de-Lorraine de 1968 à 1978. L'annuaire de 1861 indique "qu'autrefois elle était connue de toute la France et durait 15 jours. On y vendait jusqu'à 700 à 800 chevaux de la plus belle espèce. Elle est bien déchue de sa splendeur". Le 6 mars 1979, le conseil municipal, constatant un déclin de la fréquentation, décide de ne conserver, pour la Chandeleur, que la foire aux bestiaux, et de reporter la foire aux chevaux au deuxième lundi de Carême. Mais le déclin persistant, ces deux foires disparurent rapidement.

(Vers 1910)

 

La foire commerciale, avant l'ouverture des "boutiques marchandes" de la halle aux blés, entre 1815 et 1818, était animée par les marchands qui présentaient leurs produits dans l'ancienne halle aux toiles (sur l'emplacement de la rue du même nom), dans la salle du présidial (où se situe aujourd'hui l'hôtel des postes) et sur les places publiques dans des baraques démontables en bois. La foire était, au milieu du XIXe siècle, connue dans toute la France. Progressivement, le nombre des boutiques s'accrut au point qu'il fallut prolonger la durée de la foire et l'on sait, qu'en 1858, elle durait deux semaines depuis déjà bien longtemps.

En 1922, consciente de la nécessité de relancer l'économie déclinante d'Alençon et de sa région, la Société d'horticulture de l'Orne, crée la foire-exposition, ayant un triple rôle, agricole, commercial et industriel, à l'époque de la Chandeleur. La première foire-exposition a lieu sous la halle aux blés en 1923, où elle séjournera jusqu'en 1970, puis au parc Elan à partir de 1971.

Archives municipales d'Alençon (6 Fi 130)

 

La fête foraine, et ses attractions diverses accompagnant le commerce, est attestée place d'Armes (Foch) en 1843, mais on peut penser qu'elle s'y installa entre 1815 et 1818 en même temps que l'ouverture des "boutiques marchandes" de la halle aux blés. L'article 11 de l'arrêté municipal du 12 janvier 1829 qui interdit aux chanteurs et aux musiciens d'entrer dans la halle conforte cette hypothèse. En 1858, la fête présente un théâtre de vue mécanique, un établissement bioélectrique, des boutiques de pains d'épices et de biscuits, des roues débitant des objets de porcelaine, des billards à carambolage et à quilles, des toupies, des jeux d'adresse, des chevaux de bois, une ménagerie, une baraque de saltimbanques, une montagne russe, un atelier de photographie, un théâtre de singes savants, etc. Pendant l'occupation prussienne de 1871, la fête est maintenue, comme elle le sera durant les deux guerres mondiales, sauf en 1915 et en 1941, mais le nombre d'attractions a considérablement baissé (sept au lieu d'une quarantaine). En 1905, on présente un nouveau cinématographe géant, supprimant, grâce à sa puissante lumière électrique, la trépidation et le scintillement, permettant aux visiteurs d'admirer des vues authentiques de la guerre russo-japonaise. Avec l'électricité, une nouvelle génération d'attractions apparaît : auto-tamponneuses, manèges variés, etc., toujours plus grands et plus nombreux, si bien que la place d'Armes ne suffit plus. Dès 1925, les établissements forains empiètent sur l'entrée des Promenades. En 1937, plusieurs métiers sont installés dans l'allée centrale qui est ensuite totalement occupée jusqu'en 1997, date à laquelle les forains sont informés que la rénovation des Promenades risque de les exiler à l'extérieur de la ville. Ces derniers protestent et après plusieurs années de conflit, la fête foraine n'a lieu ni en 1999 ni en 2000, ils acceptent de s'installer en 2001 rue Martin-Luther-King, entre le parc des expositions et le magasin Carrefour.

 

(Vers 1910)

 

Extrait de Alençon de A à Z (Alain Champion, Éditions Alan Sutton, 2008).