Halle aux blés
Le 5 janvier 1801, le conseil municipal, sous l'impulsion de Jacques Mercier, décide d'acquérir le couvent des Filles Notre-Dame, inoccupé depuis la dispersion des congrégations en 1792, afin de le démolir et de bâtir des halles sur son emplacement. Sa réalisation en est confiée à Joseph Berthélémy, ingénieur en chef du département de l'Orne. Après une loi autorisant sa construction, le conseil " a unanimement arrêsté qu'il adopte au nom de la ville, en principe, la construction des halles neuves en forme ronde". C'est Mathieu Courapied qui se rend adjudicataire de la construction. Le 18 juin 1806, il est procédé au "posage de la Ière pierre des halles" sur laquelle figurent les mots suivants : "Première pierre des halles placée le 18 juin 1806, 3ème du règne de Napoléon le Grand, empereur des français et roy d'Italie, par M. Victor La Magdelaine, préfet du département de l'Orne, membre de la Légion d'honneur, en présence de monsieur Savary, maire d'Alençon, et de monsieur Berthélémy, ingénieur en chef ". Mais, le préfet étant retenu par une indisposition, ce sont le maire et l'ingénieur qui conduisent la cérémonie.
Ouverte au commerce des grains le 1er juillet 1812, la halle voit l'installation de trente-deux boutiques intérieures en 1815 dans lesquelles les marchands, lors de la foire de la Chandeleur, viennent exposer leurs produits. Après le désastre de Waterloo, Alençon est investie par les Prussiens qui occupent le bâtiment pendant deux mois. Ravagé par un incendie à l'issue d'une représentation d'un cirque les 18 et 19 mars 1836, il n'en reste que les gros murs après l'effondrement du premier étage. En 1842, dans la nuit du 9 au 10 mars, un ouragan se déchaîne sur Alençon et une partie de la toiture de la halle est arrachée. Remise en service en 1846, elle est occupée par la garnison d'Alençon de 1854 à 1860. La même année, elle est le premier monument alençonnais éclairé au gaz. C'est en 1865 que l'architecte Charles Arnoul et l'ingénieur Charles Croquefer installent la coupole vitrée, à l'occasion de l'exposition industrielle. La décadence du commerce des grains provoque, en 1888, la désaffection de la halle. Remise en état en 1910, il est alors envisagé de la transformer en salle des fêtes, mais la Première Guerre mondiale éclate et l'édifice est utilisé comme hôpital complémentaire. Après le conflit, le bâtiment accueille la foire-exposition de 1923 à 1970. Rénovée en 1948, la halle aux blés, qui sera inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, est ensuite utilisée pour diverses activités : sport, expositions, réunions politiques, marchés, etc.
C'est en 1992 que commence une opération de restauration. La réfection de la verrière est achevée en 1994 ; les enduits intérieurs de la cour centrale sont terminés en janvier 1996 et la réhabilitation du premier étage en juin 1998. Enfin, la dernière phase de cette remise en valeur est la restauration du rez-de-chaussée en septembre 2000. Les murs extérieurs, dont l'enduit originel fut remplacé au milieu du XXe siècle par un rejointoiement en ciment gris, sont revêtus d'un enduit traditionnel identique à celui qui existait sous le Premier Empire. En ce qui concerne l'intérieur, le confort et l'acoustique sont améliorés et un espace polyvalent, destiné aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, est aménagé.
Attestée en 1824 sous le nom de place des Halles-Neuves et rue des Filles-Notre-Dame en 1842, la place située autour de la halle est dénommée de son nom actuel le 7 mai 1875.
Il me semble fautif d'employer le singulier pour désigner l'édifice et la place. Sous l'Ancien Régime, l'orge et l'avoine, par exemple, étaient réputées comme des blés de printemps. Une déclaration royale du 27 avril 1709 dénonce la spéculation sur les "bleds" et il existait à Paris une chambre des blés. Bâtie pour y faire le commerce des grains, c'est sous le nom de "halle aux grains" que le bâtiment alençonnais est désigné jusque vers 1870, époque à laquelle apparaît l'appellation "halle au(x) blé(s)" qui hésite entre le singulier et le pluriel. La délibération qui donne son nom à la place stipule que "la rue qui entoure la halle aux blés prendra le nom de place de la halle au blé". Mais considérant, qu'outre le commerce des grains comme l'orge et l'avoine, on trouvait également deux variétés de blé, du blé froment et du sarrasin (blé noir ou blé breton), le pluriel s'imposerait. Remarquons que c'est au pluriel que l'on désigne la halle aux toiles. Mortagne et Quettehou (Manche) possèdent ainsi une "halle aux grains" et Le Mans une "halle aux blés".
Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).