Château

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il ne reste plus rien du premier fort bâti par Yves de Bellême ou/et Guillaume Ier, les deux premiers seigneurs d'Alençon. C'est au cours des guerres anglo-normandes que le troisième fils de Guillaume le Conquérant, Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre et duc de Normandie, prend Alençon en 1113 et fait construire un donjon qui sera intégré au second château. La reconstruction de la citadelle est entreprise par Pierre II, comte d'Alençon de 1361 à 1404. Dans le souci de refaire l'unité de la France déchirée par les guerres de religion, Henri IV pratiqua systématiquement une politique de démantèlement des forteresses sur lesquelles s'était appuyée, depuis la fin du Moyen Âge, la puissance des grands seigneurs féodaux désireux de conserver une indépendance aussi large que possible face à l'emprise grandissante du pouvoir royal. Alençon n'échappa pas à la règle et le château fut démoli en 1592 à l'exception du donjon, détruit en 1782, et du pavillon d'entrée.Ce qu'il en reste actuellement n'est qu'une modeste partie de l'ouvrage fortifié qui couvrait toute l'actuelle place Foch et qui devait être impressionnant avec :

La tour Giroye, qui se trouvait face à la rue Matignon, appelée ainsi, car c'est dans celle-ci que le seigneur d'Alençon Guillaume II, vers 1047, fit crever les yeux, couper le nez, les oreilles et "la faculté de se reproduire" à Guillaume Giroye qui l'avait trahi. La tour Giroye fut démolie en 1782 ;

Le donjon rectangulaire d'Henri Ier, construit en 1113 sur l'emplacement actuel du palais de justice. En 1775, l'intendant Antoine Jullien transforma le donjon en prison, mais les travaux mal conduits le lézardèrent, ce qui provoqua sa démolition en 1782 ;

La tour salée, attestée en 1343, qui était située sur l'emplacement du square Léon-de-La-Sicotière ;

La tour couronnée, du XIVe siècle qui se compose de deux tours superposées, d'où son nom. La première, munie de créneaux, mesure dix-neuf mètres, et la seconde, d'une hauteur de sept mètres, est plus étroite et coiffée d'un toit pointu. Longtemps affectée au logement des capitaines et des gouverneurs de la ville, elle défendait un pont-levis donnant sur le parc ;

Le pavillon d'entrée, qui regarde la rue du Château avec ses deux tours crénelées à mâchicoulis, est l'œuvre du duc Jean III (1404/1415), appelé à tort Jean Ier ;

Le palais d'été, élevé en 1491 sur l'emplacement actuel de l'hôtel de ville en même temps qu'une chapelle construite dans le parc du château. C'est dans cet édifice que s'éteignit le duc René, époux de Marguerite de Lorraine, en 1492, et que Marguerite d'Orléans, future Marguerite de Navarre, épouse du duc Charles IV, résida tous les étés de 1509 à 1525, entretenant une cour où brillèrent les plus grands esprits du moment, notamment Clément Marot. Le palais d'été fut démoli en 1592 ;

Les tours de l'éperon, bâties en 1589 par le duc de Mayenne, situées à l'angle des rues de Bretagne et de la Chaussée ;

Les fossés, constitués par la Briante ;

Et un immense parc qui s'étendait bien au-delà des Promenades, jusqu'à la forêt d'Écouves, mais qui fut rasé par Élisabeth d'Orléans, duchesse d'Alençon.

Le château a été assiégé plusieurs fois, notamment en 1029, par le comte de Normandie Robert II qui obligea le seigneur alençonnais Guillaume Ier à capituler ; en 1113 par Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre et duc de Normandie, ci-dessus évoqué ; en 1118, par le comte d'Anjou, Foulques V, qui contraignit la garnison d'Henri Ier à capituler ; et en 1203 par Jean sans Terre, roi d'Angleterre et duc de Normandie, qui tenta en vain de s'en emparer. Pendant la guerre de Cent Ans, la forteresse, tombée aux mains des Anglais en 1417, est reprise en 1449 par le duc Jean IV, appelé fautivement Jean II. En 1467, elle est occupée par une troupe bretonne chassée par l'armée royale. Désarmée en 1473 par Louis XI, elle tombe en 1568 entre les mains de Gabriel de Montgomery, chef protestant, qui en est expulsé l'année suivante par Jacques de Matignon, gouverneur de Basse-Normandie. En mai 1589, le duc de Mayenne, mentionné plus haut, s'en empare à son tour pour en être délogé en décembre par le maréchal de Biron, pour le compte d'Henri IV. Ce dernier fait ensuite démanteler une grande partie du château suite aux guerres de religion et les seigneurs d'Alençon cessent alors de l'habiter. Marie de Médicis, mère de Louis XIII et duchesse d'Alençon, en révolte contre son fils, s'y réfugie en 1620 avec son gouverneur, François de Faudoas d'Averton qui, informé de l'approche des troupes royales, évacue la place.

Au début du règne de Louis XIV, qui fait enlever les derniers canons, il ne reste plus que ce que l'on voit aujourd'hui. De 1768 à 1776, l'ancienne forteresse remplit le rôle de dépôt de mendicité en abritant les vagabonds et les mendiants. En 1773, le roi concède le château à la Ville pour y transférer l'ensemble des juridictions qui y demeurent de 1779 à 1824. L'édifice devient ensuite une maison d'arrêt où, pendant l'Occupation, de nombreux patriotes sont martyrisés par la Gestapo avant d'être livrés aux pelotons d'exécution ou déportés dans les camps d'extermination. Une plaque apposée à l'entrée rappelle ce triste souvenir. Aujourd'hui, le château appartient au ministère de la Justice et il est classé parmi les monuments historiques.

 

Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).

À consulter : Le château d'Alençon (Thierry Churin).