Henri IV et Alençon
Henri IV, fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, petit-fils de Marguerite d'Orléans, sœur de François Ier et duchesse d'Alençon, est venu deux fois dans la cité alençonnaise.
1) Du 6 au 12 février 1576, le roi Henri de Navarre, futur Henri IV, âgé de 23 ans, qui s'est évadé du Louvre, est reçu à Alençon avec son compagnon Agrippa d'Aubigné, par le duc François. C'est dans notre ville qu'il aurait repris l'exercice de la religion protestante qu'il avait abandonné lors de la Saint-Barthélemy le 14 août 1572. Il assiste au prêche sans façon ni cérémonie et accepte d'être le parrain d'un enfant de son médecin Olivier Caillard-Deshayes, prénommé Isaac.
On raconte qu'à l'occasion de ce séjour, Henri se serait épris de la fille ou de l'épouse du tenancier du four à ban qui eut des bontés pour lui, et que la fenêtre déposée à la maison d'Ozé serait celle de la chambre de la belle à qui il aurait déclaré : "Ventre saint-gris, ma mye, votre four arde pis que braise, on y cuirait douze fournées par nuictées".
2) En 1589, pendant les guerres de religion, Alençon est le point central des opérations des royalistes sous les ordres du gouverneur René de Renty, des ligueurs (des catholiques) sous ceux du duc de Mayenne et des protestants sous ceux d'Henri de Navarre. Le 18 mai, le duc de Mayenne incendie le faubourg de Lancrel, prend la ville le 22 et oblige les habitants à jurer fidélité à la Ligue. Henri IV, devenu roi le 2 août, envoie le maréchal de Biron prendre Alençon où ce dernier arrive le 15 décembre. Les faubourgs occupés, les Alençonnais s'empressent d'ouvrir les portes de la ville aux troupes royales tandis que le nouveau gouverneur, un nommé Lago, à la solde du duc de Mayenne, se retire dans le château mis à mal par l'artillerie. Arrivé sur place le 23 décembre, le roi fait couper les conduites d'eau alimentant les douves de la forteresse qui, le lendemain, ne peut que capituler. Le souverain, qui reste à Alençon jusqu'au 28, confie alors aux habitants la garde de leur ville.
La légende prétend que pendant ce séjour, Henri IV fut reçu par la jolie Françoise de Courdemanche, épouse de Thomas Le Coustellier, lieutenant général de l'artillerie du roi et propriétaire de la maison d'Ozé, que le souverain savait absent et qu'il prétendait vouloir rencontrer. La dame, qui ne connaît pas le roi, le prend pour un supérieur de son mari et le retient à dîner. Mais, prise au dépourvu, elle doit avoir recours à un voisin qui lui fournit une dinde en échange de sa participation au repas. Le souverain est très heureux de son incognito et les agapes sont animées. Au dessert, l'hôtesse s'aperçoit de sa méprise et le voisin, qui avait reconnu Henri IV, profitant de ses bonnes dispositions, demande à se faire anoblir puisque celui-ci lui avait fait l'honneur de l'admettre à sa table : "Ventre saint-gris, tu seras gentilhomme et porteras ta dinde en pal !" se serait exclamé le roi.
Par ailleurs, le Vert-Galant aurait oublié une paire de bas de soie bleue à fils d'or abandonnée sur un champ de bataille bien différent de ceux d'Arques ou d'Ivry.
Dans le souci de refaire l'unité de la France déchirée par les guerres de religion, Henri IV pratiqua systématiquement une politique de démantèlement des forteresses sur lesquelles s'était appuyée, depuis la fin du Moyen Âge, la puissance des grands seigneurs féodaux désireux de conserver une indépendance aussi large que possible face à l'emprise grandissante du pouvoir royal. Alençon n'échappa pas à la règle et le château fut démoli en 1592 à l'exception du donjon, détruit en 1782, et du pavillon d'entrée.
Le 23 avril 1605, Henri IV vendra le duché d'Alençon au duc de Wurtemberg pour le solder des secours en hommes et en argent que ce prince lui avait fourni au temps des guerres de la Ligue. Le duché sera racheté le 4 octobre 1612 par Marie de Médicis, sa veuve.