Orléans (Marguerite d')

Marguerite d'Orléans, plus connue sous le nom de Marguerite de Navarre, née en 1492 à Angoulême, est la sœur de François Ier. Dotée d'une solide éducation, elle parle couramment l'italien, l'espagnol, le grec, le latin et l'hébreu. Marguerite devient duchesse d'Alençon en épousant, en 1509, le duc Charles IV et vit dans la forteresse alençonnaise jusqu'en 1514 avec son mari et sa belle-mère, Marguerite de Lorraine. Marguerite d'Orléans tient alors dans notre ville une cour exceptionnelle où brillent les plus grands esprits du moment.

En 1515, son frère monte sur le trône et appelle aussitôt près de lui sa sœur. Le roi comble de cadeaux Marguerite et Charles IV devenu le deuxième personnage de France. À la Cour, la duchesse d'Alençon assiste aux entrevues du souverain et des ambassadeurs étrangers. En 1520, Marguerite revient au château d'Alençon. L'Église traverse alors une crise majeure et Marguerite s'interroge sur les Écritures, avec une préférence marquée pour l'obéissance à l'esprit des textes. De 1521 à 1524, notre duchesse lutte sur deux fronts : elle aide François Ier à préparer la campagne de Pavie, mais s'oppose à lui en protégeant la Réforme qui apparaît vers 1525 à Alençon, l'une des premières villes de Normandie où s'implantent les doctrines réformistes.

Fait prisonnier par Charles Quint à Pavie, François Ier est transféré en Espagne. Afin de faire libérer son frère, Marguerite est au premier plan politique, chargée de négocier la paix. Malgré plusieurs entretiens particuliers avec Charles Quint, elle échoue dans son projet. En 1527, François Ier signe le traité de Madrid dont les clauses lui permettent de regagner son pays. Marguerite connaît alors une période de félicité. Sa mission en Espagne, d'abord inefficace, porte enfin ses fruits. François n'est pas un ingrat. Il aide sa sœur à tirer d'embarras quelques-uns de ses amis protestants. Honorée et adulée, la duchesse d'Alençon règne non seulement sur toutes les fêtes, mais également sur les cérémonies officielles.

Après la mort de Charles IV survenue en 1525 à Lyon, elle reçoit l'usufruit du duché d'Alençon. Marguerite devient reine de Navarre par son second mariage avec Henri d'Albret, roi de Navarre, qui est célébré en 1527. L'année suivante, elle retourne à la Cour et accouche d'une fille, Jeanne d'Albret, future mère d'Henri IV. Depuis 1524, la duchesse d'Alençon cultive la poésie. Vers 1530, elle aurait écrit Quatre comédies relatant les événements de l'enfance du Christ. En 1530, soutenant l'initiative de Guillaume Budé, elle facilite l'organisation des Lecteurs royaux créés par le roi ; cette institution sera le Collège de France. Le 15 juillet de la même année, elle donne naissance à un fils, Jean, Prince de Viane, qui décède le 25 décembre suivant à Alençon. Il est inhumé dans le caveau ducal, à l'église Notre-Dame, profané pendant la Révolution. Une nouvelle fois meurtrie par le décès de sa mère qui survient en 1531, elle est le seul soutien de François qui lui demande de l'accompagner dans ses déplacements. Elle trouve cependant le temps d'écrire Le Miroir de l'âme pécheresse, imprimé à Alençon en 1531 par Simon Dubois. Pendant les deux années suivantes, elle fait donner un nouveau règlement à l'hôtel-Dieu d'Alençon, charge le receveur de l'hôpital de distribuer du blé chaque semaine aux pauvres et aux malades, interdit la mendicité et l'accès de l'hôtel-Dieu aux "femmes de mauvaise vie", fait bâtir le réfectoire des clarisses, prend soin de l'église Saint-Léonard et du parc du château qu'elle fait affermer, ne retirant qu'une partie des fruits qu'elle distribue aux religieuses de Sainte-Claire. En 1535, Marguerite reprend sa place de conseillère intime auprès de son frère. Elle siège au conseil restreint auquel n'est pas admis son mari, et chacun sait qu'il faut passer par elle pour accéder au roi. Mais pour des raisons politiques, ce dernier exige que sa nièce, âgée de 11 ans, épouse le duc de Clèves, contre le gré de Jeanne et de ses parents. Le souverain, pour les consoler, les comblent de bienfaits. Mais en 1541, les intérêts de la France et de la Navarre s'opposent. François Ier se décide de séquestrer leur fille. Marguerite ne laisse rien paraître de ce coup de force, mais elle est profondément blessée. Henri de Navarre, lui, accuse le choc, mais continue à intriguer pour accroître son patrimoine. La duchesse d'Alençon ne brille plus à la Cour comme avant. Amère, elle se consacre alors davantage à la littérature et s'affirme dans le rôle d'arbitre des lettres.

En 1542, elle s'établit à Nérac. Loin des intrigues, elle mène l'écriture d'un recueil de nouvelles L'Heptaméron, ouvrage qui la rendra célèbre dans la littérature française. Au printemps 1544, Marguerite de Navarre se rend à Alençon où séjourne sa fille et toutes deux s'emploient à annuler le mariage de Jeanne.

François Ier meurt en 1547. Marguerite, anéantie, s'installe en septembre 1549 au château d'Odos où elle s'éteint le 21 décembre suivant. Ses obsèques sont célébrées dans la cathédrale de Lescar mais c'est à Alençon que son éloge funèbre est prononcé, et à Pau qu'elle est inhumée. Personnage multiple, savante, réfléchie, tolérante, telle apparaît Marguerite d'Orléans, reine de Navarre, duchesse d'Alençon et grand-mère d'Henri IV. La gloire alençonnaise connut son apogée avec celle qui fut la femme la plus illustre de son temps pour son talent littéraire et son goût passionné des lettres et des arts.

Une rue de la ville porte son nom depuis 1853 ainsi qu'un lycée, situé à Arçonnay, depuis 1966.

 

Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).

 

Bibliographie :

Cérati (Marie), Marguerite de Navarre, Éditions Sorbier, 1981.

Darmesteter (J.), La reine de Navarre, Marguerite d'Angoulême, Éditions Calmann Lévy, 1900.

Déjean (Jean-Luc), Marguerite de Navarre, Éditions Fayard, 1987.

Haussonville (comtesse d'), Marguerite de Valois, reine de Navarre, Éditions Michel Lévy, 1870.

Jourda (Pierre), Marguerite d'Angoulême, Éditions Desclée de Brouwer et Cie, 1930.

Toussaint du Wast (Nicole), Marguerite de Navarre, perle des Valois, Éditions Max Fourny, 1976.