Écouves (forêt d')

Historique

Le nom de la forêt d'Écouves tire son nom du latin scoparia qui veut dire "bois des rochers" ou, plus probablement des termes e scopis, signifiant "bouleaux" ou "genêts", qui se transforma en escoves, escoubes, puis écouves. Il s'agit donc de la forêt des bouleaux. Le signal d'Écouves, qui est son point culminant (417 mètres) est, avec celui tout proche des Avaloirs, celui de la France de l'ouest.

À l'époque celtique, la forêt n'est sans doute qu'une partie de celle qui comprenait les forêts de Moulins-Bonsmoulins, de Réno-Valdieu, de Bellême et de Bourse. Un certain nombre d'outils, haches en pierre polie et en bronze, couteaux, perçoirs, grattoirs, etc., ont été trouvés en différents lieux et leur examen laisse penser que la région ne fut peuplée qu'à l'époque de la pierre polie.

Un des premiers soins des Romains, qui prennent possession de la région en 57 avant notre ère, est de jalonner cette étendue boisée par des routes et des camps dont on retrouve encore aujourd'hui les vestiges, tels les camps du Châtellier ou Camp-de-César sur Montmerrei, de Francheville, de Goult, de la Motte-Corday sur Boucé et du Mesnil-Gault dans les bois d'Aché. D'autre part, des sections de voies antiques ont été mises à jour, notamment sur Damigny et Colombiers et une voie romaine passe entre Radon et Forges.

Vers 292, la Gaule lyonnaise est divisée en deux et la forêt d'Écouves fait alors partie de la Seconde lyonnaise. Vers 370, cette dernière est partagée en quatre métropoles et la forêt est comprise dans celle de Rouen, également appelée Seconde lyonnaise, dévastée par les Saxons qui envahissent la région en 368 et les Huns en 406. Clovis prend possession du pays en 497 et après sa mort en 511, son royaume est partagé entre ses quatre fils. Childebert, le troisième, reçoit le royaume de Paris qui comprend la forêt d'Écouves. L'énumération des nombreuses divisions successives sous les Mérovingiens et les Carolingiens serait fastidieuse.

En 924, le chef normand Rollon prend possession du diocèse de Sées, forêt d'Écouves incluse. Vers 987, son successeur, le duc de Normandie Richard Ier, la laisse à Yves de Bellême, premier seigneur d'Alençon, chargé de la défense du sud de la Normandie, et la forêt reste dans la famille jusqu'au décès de Robert IV, en 1221. Philippe Auguste obtient alors de ses héritiers le comté d'Alençon qui est alors réuni à la Couronne. Voici un extrait de la traduction de la charte entérinant cette réunion conservée aux Archives nationales sous la cote J 226 n° 3 et dont une reproduction photographique figure dans les collections des Archives municipales :

"Moi, Hémery, vicomte de Châtellerault, et Hela, soeur de Robert, ancien comte d'Alençon, (...), nous faisons savoir à tous tant présents que futur, que nous donnons et concédons à notre seigneur Philippe, illustre roi de France, et à ses héritiers, à perpétuité Alençon et le pays d'Alençon avec toutes ses dépendances, tant en fiefs et domaines qu'en bois et eaux et toutes autres choses, ainsi que la forêt que l'on appelle Ecouves, la haie de la Ferrière, la forêt de Chaumont et la forêt de la Roche-Elie jusqu'au Sarthon (...). Fait à Nogent-le-Roi, l'an du Seigneur 1220 [ancien style], au mois de janvier."

Bien que souvent concédée en apanage, cette forêt n'est plus sortie du domaine royal, devenu domaine national par les lois du 22 novembre et du 1er décembre 1790.

Lors de la Libération de 1944, bien des vies ont été sacrifiées dans cette forêt, que les Allemands avaient transformés en forteresse, qui fut le théâtre d'affrontements sévères.

Administration et exploitation

Le plus ancien document descriptif de la forêt est du XIVe siècle. Il s'agit du livre de la comtesse d'Alençon Marie d'Espagne, veuve du comte Charles II tué à Crécy en 1346 et mère de Charles III âgé de 9 ans au décès de son père, qui réforme l'administration de la forêt dans laquelle s'étaient glissés beaucoup d'abus.

En 1667, Colbert charge Bernard de Marle, commissaire général des eaux et forêts, de réformer toutes les forêts royales. Écouves est donc aménagée, délimitée par 325 bornes, et réglementée. Un règlement forestier est destiné à discipliner la nature afin de l'exploiter au maximum. L'ordonnance royale d'août 1669 sera un véritable code forestier qui servira longtemps. Les fonds les plus riches sont alors traités en futaie pour fournir la Marine royale

En 1772, l'ingénieur-géographe Jean Chaillou est chargé d'un nouvel aménagement. L'ingénieur n'y trouve pas tous les vieux arbres que la forêt aurait dû comporter. On peut penser que les instructions de Bernard de Marle ne furent pas appliquées complètement et que peut-être, on avait multiplié les exploitations afin de venir en aide au Trésor royal, pour fournir les verreries et pour alimenter en chauffage les fours à chaux, principales industries existant depuis le XIVe siècle. Jean Chaillou, à qui l'on doit la plupart des voies de communication actuelles qui sillonnent le massif, diminue la surface traitée en futaie pour augmenter les taillis afin de satisfaire le duc d'Alençon qui ne s'intéresse qu'aux revenus de ses biens. Il faut savoir que ce dernier avait reçu en 1774 le duché d'Alençon dans son apanage, dont la forêt faisait partie, et que le revenu des futaies allait au roi et celui des taillis au duc d'Alençon.

En décembre 1789, une loi met les bois sous la protection de la Nation. Néanmoins, pendant la Révolution, Écouves est pillée et saccagée, malgré une série d'instructions. La paix de retour, une loi du 6 janvier 1801 rétablit l'administration forestière dont les agents troquent l'uniforme bleu et or de l'Ancien Régime pour une tenue vert et argent. La réformation de Jean Chaillou est poursuivie jusqu'en 1862 et des 450 hectares de futaies existant en 1782, il n'en existe plus, en 1932, qu'une douzaine, constitués de chênes, autour du rocher du Vignage. Le 2 juin 1880, un décret partage la forêt en deux sections, l'une de futaie de 3 007 hectares, à l'âge d'exploitation de 180 ans, et l'autre de taillis de 4 525 hectares, à l'âge d'exploitation de 30 ans. Puis, les règlements de 1911 et de 1925 portent à 4 000 hectares la conversion en futaie et on introduit du pin sylvestre sur une surface de 2 000 hectares.

On a vu plus haut que la forêt était exploitée par les verriers et les fours à chaux. Il faut y ajouter les forges, les bûcherons, les sabotiers, etc. Le 7 mai 1893, un terrible incendie ravage 400 hectares et le 26 décembre 1999, une tempête détruit de nombreux arbres.

La chasse

Grands chasseurs, les seigneurs d'Alençon pratiquaient souvent a chasse à courre et sous l'Ancien Régime quelques grands seigneurs avaient obtenu des rois de France le privilège d'y courir le cerf, le loup et le sanglier.

La forêt d'Écouves fut repeuplée de cerfs en 1857 et les équipages de chasse à courre y vécurent de belles heures, notamment celui du marquis de Chambray qui succéda à M. de La Broise vers 1865.

La chasse au loup fut pratiquée par des lieutenants de louveterie jusqu'en 1888.

Les noms de lieux

La plupart des routes et des carrefours de la forêt d'Écouves, dont quelques uns sont signalés par des bornes en granit de Hertré, portent des noms. Voici l'explication de quelques-uns d'entre-eux :

Le bois d'Aché tire son nom de la famille Morel d'Aché qui les posséda ; le bois l'Évêque appartenait à l'évêché de Sées ; le carrefour du Bois-Mallet rappelle Robin Mallet, seigneur de Graville, propriétaire du bois en 1215 ; le carrefour de la Branloire pourrait tirer son nom d'un ancien usage consistant à se balancer dans les branches d'un hêtre ; le Buisson-au-Chat rappelle le chat sauvage qui habita la forêt jusqu'au XVIIIe siècle ; le carrefour du Chêne-au-Verdier évoque le souvenir des officiers forestiers ; le carrefour de la Croix-de-Médavy, appelé également carrefour "Monsieur" en l'honneur du futur Louis XVIII, où l'on peut voir le char Valois, vient du nom d'une illustre famille de maîtres de forges ; le carrefour de la Croix-Madame s'appelle ainsi en hommage à Louise de Savoie, l'épouse de Louis XVIII ; le carrefour de la Croix-Rouge a pris le nom d'une croix de cette couleur plantée à proximité ; le carrefour du Diable porte le nom des descentes fort rapides et dangereuses de la Briante ; l'Ermitage rappelle évidemment la présence en ce lieu d'un ou de plusieurs ermites ; la Fontaine-du-Poitou, à côté de laquelle a existé pendant longtemps la chapelle de Sainte-Catherine-de-Poitou, sans doute détruite pendant la Révolution, a peut-être un rapport avec un pèlerinage dans cette région ; la Fosse-à-la-Dame évoque, dit la légende, la veuve d'un receveur assassinée ici à cause de l'argent qu'elle transportait ; la Fosse-Louvière rappelle la présence du loup dont le dernier fut pris le 22 décembre 1888 ; le carrefour de Marle porte le nom de Bernard de Marle qui traça les limites de la forêt en 1667 et qui y fit placer des bornes ; les Ponts-Besnard, évoquent leur ancien possesseur ; le carrefour Sergent porte le nom d'un inspecteur des Eaux et Forêts ; etc.

La forêt et Alençon

La forêt d'Écouves, progressivement défrichée au cours des siècles, s'avançait jusqu'aux rives de la Sarthe et les Promenades sont situées sur ce qui ne représente qu'une bien faible partie du parc du château d'Alençon attesté vers 1150.

Guillaume Le Rouillé, en 1544, dans son Épistre des rossignols du parc d'Alençon dédié à Marguerite d'Orléans, duchesse d'Alençon, fait allusion aux cerfs, biches et faons qui s'aventurent jusqu'aux murs de la ville :

"Les bisches font saulx, courses et brisées,

Quant ont cogneu que les as adviséees.

Les cerfs semblent faire tournois et joustes

Et les faonneaux gambades, virevoustes.

Petits connils, courans à la traverse,

Puis ça et là, l'un l'autre boulleverse..."

 

Sources

Clary (Daniel)/ Mercier (Thérèse)/Tellier (Jeanne), "Forêt domaniale d'Écouves, Bulletin spécial de la Société historique et archéologique de l'Orne, 1986.

Granger (A.)," La forêt d'Écouves, Agenda Romet, 1932.

Mesnil (Abbé L.-M.), "Recherches géographiques et historiques sur la forêt d'Écouves", Bulletins de la Société historique et archéologique de l'Orne, 1908-1911.