Godard II (Pierre)
"Mon père, ouvrier imprimeur, en voyant les mauvaises planches gravées sur bois à l'imprimerie où il travaillait, s'imagina de les imiter avec de mauvais outils. Par la suite il se perfectionna et fit bon nombre de gravures. Voilà l'origine de cette science dans ma famille. Dès ma tendre jeunesse, je cherchai à suivre son exemple." Ainsi écrit Pierre Godard (1768-1838), dit Godard II, de son père Jean Godard (1735-1802), dit Godard I. À propos de son fils, Pierre Godard III (1797-1864), il écrit encore : "[...] J'eus un fils dont je soignai l'éducation et qui est parvenu à un point de perfection que je n'ai jamais atteint et dont je n'ai qu'à me glorifier." Edmond Richard, dans son ouvrage Les Godard d'Alençon, résume ainsi leurs carrières : "Godard I fit des essais consciencieux, Godard II fut un habile artisan et Godard III un artiste de premier ordre."
Pierre Godard, est né à Alençon le 21 janvier 1768. Captivé par le travail de son père, il commence son apprentissage très tôt et comprend vite que la gravure demande une connaissance approfondie du dessin. Il subvient aux frais de ses études en réalisant des images pour les couvents de la ville. Sa sûreté de main est remarquable et sa taille est beaucoup plus fine que celle de son père, mais il ne sait pas employer les tailles et contretailles pour obtenir les hachures et contre-hachures qui produisent le dégradé des ombres.
Son nom apparaît pour la première fois en 1782 comme graveur dans un mémoire pour les maire et échevins d'Argentan ; il est alors âgé de 14 ans. À partir de 1785, il grave ses propres compositions et en 1787, il illustre les Mémoires historiques sur la ville d'Alençon et sur ses seigneurs de Joseph Odolant-Desnos. Après avoir servi la République de 1792 à 1796, il revient à Alençon. En 1796, il tente quelques essais à l'eau-forte mais ne persevèrera pas dans ce domaine. Pendant la Révolution, l'Empire et la Restauration, il grave quantité de vignettes dont de nombreux emblèmes du pouvoir et des administrations. Il réalise de petits encadrements pour les Sociétés populaires de Nantes et de La Flèche, des billets d'entrée pour l'Académie impériale de musique et la cérémonie du sacre de Napoléon Ier, etc. Très réputé auprès des éditeurs, son talent est mis à contribution pour illustrer de nombreux ouvrages comme les fables d'Ésope (1797) et de Jean de La Fontaine (1801). Ses titres de page, lettres ornées, plans et cartes, illustrations révolutionnaires, jeux de cartes, images populaires et figures religieuses sont appréciés des imprimeurs et des éditeurs. En 1814, il s'installe comme libraire et relieur, dans la rue aux Sieurs, jusqu'à la fin de 1834. En 1821, il illustre, en partie, le Supplément à l'histoire d'Alençon de Jean-Jacques Gautier. Au cours des dernières années de sa vie, il réalise plusieurs lithographies, dont les ruines de l'abbaye de Perseigne (1830).
La production de Godard II a largement dépassé les limites d'Alençon. Il a répondu à des commandes d'Amiens, Caen, Lille, Lyon, Paris, Quimper, Rennes, Rouen, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Strasbourg, Tours, Vannes et même d'Anvers, de Londres et de Rotterdam.
Pierre François Godard, qui "[...] qui pratiquait son métier avec une telle hardiesse, une telle sûreté, une telle franchise de taille que ses moindres travaux ont donné des épreuves d'une pureté, d'une fermeté et d'une souplesse remarquables qui égalent et dépassent les meilleures épreuves des meilleurs graveurs en bois de son temps", est décédé à Saint-Denis-sur-Sarthon (Orne) le 22 juillet 1838. La bibliothèque municipale d'Alençon possède deux recueils contenant 7 360 de ses œuvres.
Extrait de Alençon de A à Z (Alain Champion, Éditions Alan Sutton, 2008).
Portrait de Godard II par Johann Heinrich Lambert, 1809, musée des beaux-arts et de la dentelle d'Alençon.