Godard III (Pierre)
Troisième et dernier membre d'une dynastie de graveurs sur bois, Pierre Godard est né à Alençon le 8 novembre 1797. Bénéficiant de l'expérience de son père, Godard II, qui lui fait donner une éducation très soignée, Pierre François débute dans l'atelier familial. Jusqu'à l'âge de 20 ans, il se livre surtout à l'étude du dessin, ne gravant que très peu. Pour se perfectionner, il gagne Paris, puis revient dans sa ville natale pour s'y fixer définitivement comme libraire, sur l'emplacement du magasin Burton of London, rue aux Sieurs.
De 1824 à 1847, il expose cinq fois au Salon. Sa première exposition attire l'attention des éditeurs et des écrivains ce qui lui vaut ses premiers succès. En 1825, il est mis en relation avec Honoré de Balzac qui a l'intention de publier des éditions compactes des classiques français. L'écrivain viendra deux fois dans notre ville, en 1825 et en 1828. En 1827, Godard III fait paraître un plan d'Alençon "remarquable par sa netteté et son exactitude". Alors âgé de 30 ans, il est considéré "par les critiques de son temps comme le premier graveur sur bois français. [...] Son art est sobre et distingué, sa traduction vigoureuse et vivante par sa précision, son accent et sa variété. Son burin s'est toujours montré digne du crayon des grands dessinateurs de l'époque et la délicatesse de sa gravure le dispute à la finesse de son dessin. Aussi ses œuvres sont-elles d'une clarté élégante, pleines de grâce et de charme, douces, modelées, vaporeuses même, mais toujours énergiques en même temps que suaves". Au Salon de 1827, il est le rival heureux des graveurs sur bois anglais et son nom est mis en vedette dans le compte-rendu paru au Journal des Artistes. Il y présente une gravure - des armes de France et de Navarre, pour le frontispice du Sacre de Charles X dans la métropole de Reims, le 25 mai 1825 - qui "est la plus grande [15 cm x 20] qui ait encore été faite en France jusqu'à présent [...]". Se consacrant essentiellement à l'illustration d'éditions romantiques des classiques français, il travaille également pour une édition des Fables de Jean de La Fontaine parue en 1830.
En 1857, Godard III est l'un des principaux fondateurs du musée, inauguré le 15 juillet, dont il est le premier conservateur à compter du 10 août. Il remplira bénévolement cette fonction jusqu'à sa mort survenue le 14 décembre 1864 dans sa maison, construite par Achille Oudinot dont il était l'ami, au n° 62 de la rue du Jeudi.
Auteur d'un nombre considérables de gravures, Pierre Godard fut un graveur de très grand talent et d'une classe exceptionnelle. Il se mit au service de nombreux artistes comme Gustave Doré, Tony Johannot, Jean-Jacques Monanteuil, Achille Oudinot, Horace Vernet, etc. Ses œuvres, d'une grande beauté, pleines d'expression et de mouvement, d'une finesse remarquable, dépassent celles de son père et de son grand-père, Godard I. Il est "l'un des artistes français qui a le plus contribué au perfectionnement de la gravure sur bois". Il pensait que celle-ci "doit s'attacher de préférence à des travaux sobres qui, par le laconisme de leur expression, prêtent de la grandeur même aux plus petits ouvrages".
Sans héritier, Pierre François Godard a légué à la Ville sa bibliothèque et sa collection de gravures. Une rue d'Alençon porte son nom depuis le 7 mai 1875.
Extrait de Alençon de A à Z (Alain Champion, Éditions Alan Sutton, 2008).
Portrait de Godard III, musée des beaux-arts et de la dentelle d'Alençon.