Lecointre (Eugène)

Eugène Lecointre est né en 1826 à Poitiers. Licencié en droit, il s'intéresse à l'archéologie et à l'histoire. Inscrit à l'ordre des avocats, il est juge suppléant au tribunal de Poitiers en 1854. L'année suivante, il est élu conseiller général de la Vienne, puis conseiller municipal de Poitiers.

En 1857, il épouse dans notre cité, Henriette Levain, la petite-nièce d'Henri Savary, ancien maire d'Alençon. Se fixant alors dans notre localité, il est élu conseiller municipal, puis nommé maire en 1868. Lors de la guerre de 1870-1871, il s'oppose à la stratégie du préfet qui veut détruire tous les ponts de la ville. Le 15 janvier 1871 a lieu le combat d'Alençon. La cité, occupée par les Prussiens le lendemain, étant menacée d'être mise à sac, Eugène Lecointre, qui reste la seule autorité, le préfet ayant fui Alençon, fait voter un emprunt pour payer une contribution. Une seconde contribution étant exigée, il déclare que la Ville ne peut pas payer. Le commandant prussien annonce alors qu'il va livrer la cité au pillage. Eugène Lecointre réplique en jetant les clés de sa maison sur la table en disant : "Vous pouvez commencer par moi si vous voulez. Allez et pillez, Messieurs, la force prime le droit", reprenant l'une des phrases favorites de Bismarck, chancelier de l'empire prussien. L'officier n'ose pas passer à l'acte, mais fait arrêter le maire et dix conseillers municipaux qui sont dirigés vers l'Allemagne. Cependant, l'armistice étant conclu, les Prussiens sont obligés de rendre les otages à la liberté.

Après avoir échoué aux élections cantonales de 1871, Eugène Lecointre, sensible au manque absolu de reconnaissance de ses concitoyens, démissionne de ses fonctions. Toutefois, il est élu au conseil général du canton d'Alençon-Est en 1874. Mais il échoue aux élections municipales de la même année et de 1875. Battu aux élections législatives de 1876, il l'est également en 1878 aux élections municipales et en 1880 au conseil général.

Il se consacre alors à ses fonctions d'administrateur de l'hospice, à l'histoire, à l'archéologie et à la bibliographie. Membre de la commission des archives départementales et communales, il est l'un des fondateurs, en 1882, de la Société historique et archéologique de l'Orne où il remplit les fonctions de vice-président. Il publie diverses œuvres dont une Notice sur la bibliothèque et le musée de peinture d'Alençon et participe à La Normandie monumentale et pittoresque de Léon de La Sicotière.

Eugène Lecointre est décédé en 1902 à son domicile, aujourd'hui le siège de la Société générale. Une plaque fixée sur la façade de la banque, brisée sur l'ordre des Allemands le 30 juin 1940 et remplacée le 12 août 1955, rappelle sa digne conduite lors de l'occupation des Prussiens, et une rue de la ville porte son nom depuis 1923.

 

Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).