Juiverie (rue de la)
La rue de la Juiverie, située dans le quartier Saint-Léonard, relie les rues des Granges et de Sarthe.
Probablement apparue vers le VIe siècle, elle fut sans doute aménagée par Guillaume Ier de Bellême, deuxième seigneur d'Alençon. À cette époque, elle marquait la limite sud-est de la ville et, à son carrefour avec la rue de Sarthe, on découvrit, lors de travaux effectués en 1952, des pieux de chêne encore enfoncés dans une vase noirâtre, vestiges d'une palissade correspondant peut-être aux restes d'une extension de la première enceinte de la cité ou de fondations d'une construction charpentée médiévale.
Son nom, attesté en 1353, rappelle les changeurs juifs dont la présence à Alençon est certifiée en 1281 et qui possédaient dans cette rue une synagogue. Les Juifs ont immigré en Gaule dès le début de la colonisation romaine et avaient reçu des droits d'établissement. Au Moyen Âge, considérés comme les assassins du Christ aux yeux de l'Église catholique, ce qui est d'ailleurs faux, puisque ce sont les autorités romaines qui le condamnèrent, entêtés dans leur foi, jalousés pour leur habileté et leur science, détestés parce que monopolisant le prêt à intérêt interdit par l'Église, situation aggravée par la haine et l'envie des débiteurs et par l'envie, ils sont persécutés entre la fin du XIe et le XVe siècle. Le quatrième concile de Latran, en 1215, leur fait obligation de porter la rouelle de feutre ou de drap rouge ou jaune sur la poitrine et le dos. Cette marque infamante est l'ancêtre de l'étoile jaune. Saint Louis ordonne leur expulsion en 1253. Néanmoins, dans notre ville, ils sont placés, en 1281, sous la protection du comte d'Alençon, Pierre Ier, fils de Louis IX, auquel ils payaient une taxe spéciale, protection reconnue par son frère, le roi Philippe III. Cependant, le fils de Philippe III, le comte d'Alençon Charles Ier, les vend à son frère, le roi Philippe IV, qui les exile en 1306. Revenus en 1315, ils sont chassés puis rappelés à plusieurs reprises, car indispensables aux princes toujours à court d'argent. Enfin, le roi Charles IX, frère du duc François d'Alençon, leur reconnaîtra en 1565 le droit de résider dans leroyaume. La population juive compte environ 40 000 membres sous la Révolution et 300 000 en 1939. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la première arrestation de Juifs survient le 14 mai 1941 et une rafle à lieu à Alençon le 15 juillet 1942.
C'est dans cette rue que les carmélites, qui s'étaient installées en 1777 dans la cour Saint-Isige, se transportent en 1780 dans un établissement qui sera fermé en 1792 et aménagé plus tard en manutention. En 1820, il existait, sur l'emplacement de l'actuel numéro 11, une maison de bains, démolie vers 1974 lors de la construction de Front de Sarthe. En 1900, Albert Lemaître écrivait : "Il n'y a pas dans toute la ville de quartier plus sale, plus humide, plus malsain que celui-là. Il est nauséabond! Et vraiment il faut plaindre les braves gens que leur infortune oblige d'y chercher des logements à bon marché!"
Signalons dans cette voie quelques hôtels particuliers et les maisons portant actuellement les numéros 12 et 16, du XVIe siècle, la première à encorbellement et à la porte en plein cintre, la seconde, à colombage et à encorbellement.
Extrait du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003).