Centre psychothérapique

C'est en 1774 qu'est décidé la construction d'un dépôt de mendicité, élevé par l'architecte Jean Delarue de 1778 à 1782, destiné "à renfermer les mendiants, vagabonds et gens sans aveu, pour servir aussi de maison de force, afin d'offrir un refuge, tant aux malheureux frappés d'aliénation mentale qu'aux mauvais sujets. Les filles sans mœurs, les enfants insubordonnés, les vénériens, etc., y seront aussi renfermés." Ces derniers, mal nourris, mal vêtus, frappés et chargés de chaînes, seront enfermés dans des cachots humides et infects. Les deux sexes seront confondus, couchant par terre sur de la paille rarement renouvelée.

En 1821, M. l'abbé Jean-Jacques Gautier décrit l'endroit, transformé en prison pendant la Révolution, de la façon suivante : "Ne percez pas le mur. Si vous pénétrez à l'intérieur, vous y verrez le rassemblage de toutes les misères humaines. Vous verrez l'imbécile qui n'a jamais produit une seule idée, le fou joyeux dont les idées singulièrement disparates excitent la surprise et l'admiration, et le furieux qui pousse des cris menaçants et fait effort pour briser les verroux de sa loge. Une personne calme, tranquille, douce comme un ange, dans un instant c'est un énergumène qui se tord les membres et bat la terre de son front ; une pauvre ingénue qui verse des larmes amères sur les suites d'une première faiblesse, un vieux débauché qui n'a jamais senti le remords et un misérable qui a pris quelques épis de blé dans un champ pour sauver sa vie."

Anne-Marie Javouhey, fondatrice de la congrégation de Saint-Joseph de Cluny, prend la gestion de l'établissement en 1828. Elle nous donne sa vision : "C'est une maison composée de 80 aliénés des deux sexes et de 40 ou 50 autres malheureux. Cette maison était dans un état déplorable depuis de longues années. Il y avait au moins 15 furieux qu'on n'osait aborder qu'avec la force armée. Plusieurs d'entre eux ne portaient aucun vêtement depuis 2 à 3 ans. Ils avaient des barbes jusqu'à la moitié de la poitrine, ils se fourraient dans la paille comme des chiens en poussant des cris et des hurlements. On trouva le cadavre d'un aliéné mort dans sa loge depuis quelques jours sans que personne s'en fut aperçu. Dès le lendemain, nous nous mettons en devoir de calmer les furieux. Dans trois jours, nous parvenons à les habiller, changer, tranquilliser, de manière que la plupart travaillèrent au jardin. Ils ne voulaient voir personne, que les sœurs qu'ils regardaient comme des anges. Enfin de loups furieux, ils sont devenus des agneaux."

Le dépôt de mendicité, appelé également "Bicêtre", est transformé en 1831 en Hospice départemental des aliénés et d'infirmerie des prisons civile et militaire d'Alençon et déclaré établissement d'utilité publique en 1832. En 1838, paraît une loi qui établit le statut des aliénés en France. C'est vraisemblablement en vertu de celle-ci que l'institution devient Asile départemental des aliénés de l'Orne en 1840. En 1937, l'établissement prend le nom d'Hôpital psychiatrique de l'Orne et devient en 1950 Centre hospitalier spécialisé avec de nouvelles méthodes de traitement. En 1968, une loi prévoit que les hôpitaux psychiatriques deviendront des établissements publics départementaux et un décret de 1970 place le centre à la charge du Département. Un personnel diplômé, de plus en plus nombreux et spécialisé, est alors recruté, ce qui entraîne une évolution qui n'est pas toujours compatible avec les convictions de la congrégation. Puis, l'âge des religieuses et le manque de relève entraînent le départ des sœurs en 1971. La communauté de Saint-Joseph de Cluny aura conservé la responsabilité de l'institution, qui deviendra un centre psychothérapique en 1979, durant cent quarante-trois années, en faisant toujours preuve d'un grand dévouement.

L'hôpital psychiatrique a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1974.

 

Extrait de Mémoire en images Alençon (Alain Champion et Yves Le Noach, Éditions Alan Sutton, 1995) et du Dictionnaire des rues et monuments d'Alençon (Alain Champion, Éditions Cénomane, 2003)