Frotté (Louis de)

Louis de Frotté, fils du comte Pierre Henri de Frotté, écuyer, sieur de la Rimblière à Damigny, et d'Agathe de Clairambault, est né le 5 août 1766 à Alençon. Après le décès de sa mère, en 1772, son enfance se poursuit près de Caen.

Lieutenant royaliste au début de la Révolution, Louis de Frotté refuse de prêter le serment exigé des militaires et émigre à Bruxelles, en 1791, pour rejoindre l'armée de Condé et la cause du roi. Il sert ensuite en Italie, puis il s'installe à Londres en 1794 afin de "ne pas servir un régime où le roi est réduit à la dépendance". Il rencontre alors Joseph Puisaye, général en chef de l'armée catholique de Bretagne, qui l'introduit auprès du comte d'Artois, frère de Louis XVI. Nommé lieutenant-colonel, il est chargé de soulever la Normandie en organisant des compagnies connues sous le nom des Gentilshommes de la Couronne. Mais les chefs royalistes négocient alors une pacification qui aboutit au traité de La Jaunaye, près de Nantes, signé le 17 février 1795. Le comte de Frotté assiste aux négociations mais n'apposera pas sa signature.

En juin 1795, à la tête du mouvement chouan, Louis de Frotté déclenche une insurrection en Basse-Normandie. Débarquant près de Saint-Malo, il s'empare de Mayenne puis s'avance dans le Maine et la Normandie. Embuscades et escarmouches sanglantes entre royalistes et républicains se multiplient dans les bois et les chemins creux. Le 31 mars 1796, il est mis en échec devant Tinchebray (Orne) et en juin, les meneurs royalistes des autres régions révoltées se soumettent. Le 6 juillet, le traité de Fontenai-les-Louvets met un terme à la première guerre chouanne.

Louis de Frotté, qui a refusé de négocier, repart en Angleterre. Il met alors au point un nouveau projet d'insurrection avec William Pitt, Premier ministre anglais qui dirige la lutte contre la France révolutionnaire, et le comte d'Artois. Louis de Frotté revient en Normandie en avril 1797 et s'introduit clandestinement à Paris. Mais le coup d'État antiroyaliste du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) l'oblige à fuir une nouvelle fois vers l'Angleterre.

Il entreprend alors des démarches auprès de Louis XVIII et du comte d'Artois. Refusant de se placer sous les ordres du général Charles Pichegru, il prépare un nouveau soulèvement. Débarquant près de Bayeux le 23 septembre 1799, il établit son quartier général au château du Champ-de-la-Pierre (Orne). À la tête de 11 000 hommes, il déploie une activité énergique et infatigable. Après la fin de la guerre civile signée le 18 janvier 1800 et la soumission du chef vendéen Georges Cadoudal, il dirige une dernière opération militaire aux forges de Cossé et envoie sa soumission le 8 février au général Hédouville. Mais une de ses lettres démontrant qu'il n'est nullement sincère en offrant de déposer les armes tombe aux mains des républicains. Sur l'ordre de Bonaparte, il est attiré à Alençon le 15 février, sous prétexte de négocier, muni d'un sauf-conduit expirant à minuit. Il arrive vers 22 heures à l'hôtel du général Guidal situé à l'actuel n° 9 de la rue des Grandes-Poteries. Peu avant minuit, le chef républicain durcit ses exigences sous forme d'ultimatum. Sur le refus de son interlocuteur, il déclare devoir en référer à son supérieur laissant Louis de Frotté seul. À peine les douze coups de minuit ont-ils sonné que des soldats font irruption et arrêtent le plus tenace des chefs chouans sous le fallacieux prétexte que la validité de son sauf-conduit vient d'expirer.

Traduit à Verneuil (Eure) devant une commission militaire, il a l'audace de se faire apporter du vin pour boire à la santé du roi. Condamné à mort au terme d'un procès sommaire, le comte de Frotté, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, est fusillé le 18 février. Au moment de l'exécution dont il aurait commandé le feu, il ne permit pas qu'on lui bandât les yeux. Un ordre de surseoir à l'exécution aurait été donné par le Premier consul mais serait arrivé trop tard. La disparition de Louis de Frotté marque la fin de la chouannerie normande.

 

Extrait de Alençon de A à Z (Alain Champion, Éditions Alan Sutton, 2008).

L'illustration, de Louise Bouteiller, provient du musée d'art et d'histoire de Cholet.